GÉOGRAPHIE, HISTOIRE ET GÉNÉALOGIE DE LA BRIÈRE

 

 

 

L’AFFAIRE de PENDILLE (mars 1792 à octobre 1792)

 

 

 

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Base Généalogique

 

 
L'affaire de Pendille, c'est l'affrontement qui eut lieu dans la nuit du 2 au 3 juin 1792 au village de Pendille en Saint-Joachim entre les habitants et une troupe d'hommes, dragons et gardes nationaux menés par Étienne CHAILLON.

Pour comprendre l'origine de cette affaire, il faut se souvenir que CHAILLON, le grand homme de Montoir, est alors dans une situation ambigüe. Sans mandat officiel entre ses deux députations, à la Constituante avant et à la Convention après, il est de passage pour quelques mois et essaie de se rendre utile, mais il se rend compte du fossé qui s'est creusé entre lui et le peuple. Il en a fait l'expérience récemment avec les Briérons. Il ne comprend pas leurs réactions et est décidé à le mater.

 

Les faits : Au début de mars 1792, Étienne CHAILLON et Jean-Baptiste RICAUD, qui ont été nommés commissaires du district pour l'assiette des contributions foncières et mobilières des communes de Montoir, Crossac, Saint-Joachim et Saint-Nazaire y commencent une tournée d'inspection. La fraicheur de l'accueil qu'ils reçoivent et le refus quasi général de participation à la confection des rôles leur donnent une idée de leur impopularité. À Saint-Joachim, c'est des prêtres qu'ils reçoivent l'hospitalité et ils réussissent à y régler une affaire de registre confisqué par Jean OLLIVAUD dit Bonne Barbe mais on n'en a que la version de nos commissaires. Ils concluent leur rapport en disant que la situation est telle qu'i serait dangereux d'y envoyer quelqu'un tant qu'on aura pas remédié à cet état de fait.

La troupe de Savenay est sollicitée pour organiser une expédition militaire en Brière.

 

La situation en est encore là quand, vers la fin mai 1792, on commence à parler de mystérieuses barriques qui circulent en Brière. On les parait-il vues partout, jusqu'à K'Feuil (La Chapelle-des-Marais). Cependant les gens sérieux savent bien que c'est à Loncé qu'elles ont été repérées.

 

Le 28 mai 1792 : Jean LEMOINE procureur et  Joseph PELOUX, officier municipal de Montoir, enquêtent à Loncé (Trignac) chez la veuve d'Étienne OLLIVAUD au sujet de barriques entreposées chez elle. Effectivement, 7 barriques ont été entreposées pendant quelques jours à Loncé chez Perrine AOUSTIN, une veuve de 51 ans dont le mari, Étienne OLLIVAUD, marin, est mort en 1784 à l'arrivée en France du "Comte de Tréteville". Elle a bien vu les fûts mais en ignore le contenu et ce qu'ils sont devenus

 

Le 29 mai 1792 : Le forestier Jacques CHAFIREAU et son fils Jean font une déposition où ils affirment que, le 19, trois charrettes transportant 7 barriques ont traversé la prairie de Montoir, venant de Méan et se sont rendues à Loncé chez la veuve OLLIVAUD. Le 25 elles ont été transportées au borde de l'étier. Tous ces transports ont été exécutés par les hommes de GUERIF de LANOUAN, de Beauregard en Saint-Nazaire.

 

Étienne CHAILLON a tout de suite compris qu'il pouvait profiter de l'occasion pour organiser la démonstration qu'il pensait nécessaire afin d'impressionner les Briérons. Sitôt la déposition des CHAFIREAU, il affirme que les barriques sont pleines de poudre et de cartouches et qu’on les a vues à Kerfeuil. Il décide les membres de la municipalité à demander à leurs collègues des communes voisines d’enquêter à leur sujet. Lui commence à organiser le rassemblement d’une troupe aussi nombreuse que possible qui traversera toute la commune de Saint-Joachim pour aller à Kerfeuil à la recherche des barriques et des armes qu’elles sont censées contenir.

 

Le 1 juin, la justice de paix de Guérande apprend que les barriques ont été conduites à la Motte-Allemand. Aussitôt, un gendarme, un lieutenant de la Garde Nationale et deux dragons se font accompagner chez Jean-Marie MUTERSE, employé de GUERIF, qui a assuré le transport des fûts. Il les conduits immédiatement à Cuneix où ils sont retrouvés, 6 chez René RUEL, officier municipal de Saint-Nazaire et 1 chez Julien ANDRE.

 

Ouvertes aussitôt et vidées de leur contenu, les barriques s’avèrent pleines de linge et de vaisselle que GUERIF de LANOUAN, devant la tournure prise par les évènements de l’époque, avait décidé de mettre en sûreté.

 

Le 2 juin, la nouvelle commence à être connue. L’expédition prévue par CHAILLON doit partir le plus vite possible si on veut conserver quelque crédibilité à la recherche de barriques d’armes à Kerfeuil. C’est la seule explication au départ d’une telle aventure quasiment à la tombée de la nuit.

 

 

Les évènements des premiers jours de juin 1792

 

Voici donc le récit des évènements qui suivirent, reconstitué à partir de rapports divers qui en furent faits, recoupé entre eux et complétés par les dépositions des témoins faites au cours des différents interrogatoires auxquels ils furent soumis.

 

Samedi 2 juin 1792

 

Vers 19 heures : Partent du bourg de Montoir Étienne CHAILLON, ex député de l’Assemblée Constituante, le juge de paix du canton, Maurice BRIÈRE, une trentaine de jeunes gens dormant la garde nationale de Donges et Montoir, 25 dragons du 16ème régiment stationné à Paimboeuf commandés par le lieutenant LAMOTTE.

CHAILLON est porteur d’une invitation de la municipalité de Montoir, délivrée par le maire et les officiers municipaux Joachim AOUSTIN et Julien AUPIAIS et par le procureur de la commune Jean LEMOINE, invitation adressée à la commune de Saint-Joachim et concernant la recherche des 7 barriques présumées chargées d’armes et de poudre.

 

Vers 21 heures : CHAILLON, ayant pris de l’avance sur la troupe, arrive à Saint-Joachim. Il se rend chez le procureur de la commune, Jean VINCE, pour lui demander assistance. Celui-ci accepte de le suivre malgré l’environnement hostile dans lequel il est. Le secrétaire-greffier François PICAUD se joint à eux.

Tous se dirigent vers Pendille (ile principale des marais de Brière). Le pays est calme et désert, la nuit est tombée et les gens sont enfermés chez eux. Rappelons-nous, qu’à cette époque, si les jours sont longs, les hommes vivent bien sûr à l’heure solaire et que le soleil se couche vers 19 h 45.

Arrivés à Pendille, ils frappent aux portes. Trois habitants seulement ouvrent. CHAILLON leur demande de les passer à Kerfeuil, sa troupe et lui puis les emmène au lot de Pendille pour préparer l’embarquement. C’est là que la troupe les rejoint.

Les Briérons mettent tant de bonne grâce à faire ce qu’on leur demande qu’il faut une bonne heure pour trouver quatre chalands (qui sont pourtant nombreux dans le pays) pouvant embarquer l’expédition. Il doit donc être approximativement 22 heures 30.

L’expédition embarque et trois embarcations s’éloignent. On s’aperçoit alors qu’il n’y a pas de perche pour pousser la quatrième. Il faut en trouver une mais les gens sont sortis de leurs maisons, femmes en tête, et se font menaçants. Les occupants du chaland immobilisé lancent alors le cri de ralliement “Force à la Loi !”. Deux des embarcations déjà éloignées regagnent la rive et la plupart de leurs occupants descendent à terre pour aller voir ce qui se passe.

Ils sont accueillis par des cris menaçants : “Ce ne sont pas des perches qu’il leur faut, ce sont des fourches !” ; “La bougre de nation s’en vient à nous, allons à la sacrée nation !” ; “Bougre de CHAILLON, j’aurons ta peau !”.

 

Dans le noir, c’est la panique. Soldats et civils de l’expédition regagnent les bateaux qui s’éloignent sous les huées des habitants accourus en grand nombre et qui suivant la rive du marais, leur font une conduite, certains se mettant même à l’eau pour tenter de les approcher. Après un échange de coups de feu, les chalands finissent par décrocher et gagner le marais de Kerfeuil où tout le monde débarque.

 

On s’aperçoit alors qu’il y a des manquants. Lors du départ précipité 9 personnes ont été laissé à Pendille et pas des moindres. Il manque 5 dragons et leur commandant, le lieutenant LAMOTTE, les sieurs DUPIN, Alexandre OLIVAUD, fils du maire et Jean-Baptiste CHAILLON fils du responsable de l’expédition.

Il n’est pas question de retourner les chercher. Prenant conscience de s’être aventurés en pays hostile, les responsables craignent d’être pris en tenaille par les hommes de Saint-Joachim d’un côté, ceux de Kerfeuil et La Chapelle des marais de l’autre. Le maréchal des logis (sergent) MAYEU prend le commandement du détachement, Jean VINCE, accompagné de PICAUD, est requis pour guider la troupe jusqu’à La Chapelle-de-Marais d’où elle regagnera le bourg de Montoir en contournant les marais (belle marche commando en pleine nuit !). La présence de guides n’étant plus nécessaire, les deux Briérons sont laissés à La Chapelle et priés de rentrer chez eux.

 

Il est impossible de savoir qui a participé à l’attroupement de la nuit à Pendille. Les témoignages sont trop contradictoires ou ne reposent que sur des “on dit”. Ce qui est certain, c’est que, dès le début des affrontements, le sacristain Jean SIMON a commencé à sonner le tocsin. Plusieurs centaines de personnes participèrent au rassemblement, mais lesquelles ? Seul Guy VINCE, 67 ans, marin du bourg de Saint Joachim, admit y être allé et donne un certain nombre de précisions qui n’ont pu être vérifiées et sont contredites par d’autres dépositions.

 

Que sont devenues pendant ce temps les 9 personnes abandonnées à Pendille ?

 

Le lieutenant LAMOTTE, débarqué avec quelques-uns de ses hommes, se rend vite compte qu’il a autour de lui une foule invisible mais bruyante. Jouant la prudence plutôt que la bravoure, il ordonne à sa petite troupe de se retirer. Perdue dans l’obscurité et sans connaissance de lieux celle-ci se débande.

Pour échapper aux poursuivants, le lieutenant, un dragon, et probablement le sieur DUPIN se couchent dans un champ de blé près du lieu de l’embarquement. Un dragon tente sa chance, fonce vers la dernière barque et se démet la jambe en voulant sauter dedans. Les trois autres se cachent dans un marais, enfoncés dans la vase jusqu’aux aisselles et de l’eau jusqu’au col.

Jean-Baptiste CHAILLON s’est lancé dans le marais pout tenter de gagner Kerfeuil mais il s’y est perdu.

Alexandre OLIVAUD fut assailli par quatre hommes, armés de fourches et de ferrées, qui le maltraitèrent et lui firent plusieurs blessures. Leur ayant échappé, il fut ensuite poursuivi par deux personnes.

Tous réussirent à s’en tirer sauf les dragons CLERMONT et CLARICHE qui ont été tués à coups d’objets tranchants et contondants et dont les corps ont été jetés dans la curée (canal traversier ou bordant les iles).

 

Dimanche 3 juin 1792

 

 Nous sommes à l’aube du dimanche 3 juin. Il semble qu’Alexandre OLIVAUD ait été le premier à regagner le bourg de Montoir. Arrivèrent ensuite le lieutenant LAMOTTE, 3 de ses dragons et le sieur DUPIN. Ils viennent directement de Pendille. Que se passa-t-il lors de cette journée du 3 juin ?

3 heures :Le jour commence à pointer. Jean VINCE et François PICAUD qui n’ont pas voulu risquer de rentrer dans la nuit et sont restés cachés à La Chapelle-des-Marais se préparent à prendre le chemin du retour. Ils retrouvent à Kerfeuil les chalands et les hommes qui les ont amenés.

 

4 heures : Le jeune Fleury RATIER de Guersac, intrigué par le tocsin qui sonne toujours à Saint-Joachim, décide d’y aller voir et prend le chemin de la Brière.

 

6 heures : Jean-Baptiste CHAILLON, perdu dans les marais, rencontre un homme qui le ramène vers Saint-Joachim en lui faisant traverser les curées pour me remettre sur le chemin de Montoir. Mais Jean OLLIVAUD dit « Bonne-Barbe » est là avec un attroupement et oblige le batelier à lui remettre le jeune homme. Il lui ôte son pistolet, le prend au collet et l’emmène à l’auberge de Marie HALGAND où on menace de le pendre. L’homme qui l’a passé dans son chaland le défend.

On l’oblige alors à offrir 4 bouteilles de vin aux personnes présentes. Il y en a pour quarante sous et il ne les a pas sur lui. Il est alors prié d’ôter son habit et de le laisser en gage. Fleury RATIER qui est venu aux nouvelles, lui avance l’argent et on le laisse partir, ce qu’il fait aussitôt. Bonne-Barbe lui court après , lui reprochant de partir sans dire adieu. Après qu’il ait satisfait à cette politesse, il le laisse aller. En route vers Montoir, Jean-Baptiste CHAILLON, les vêtements encore tout mouillés rencontre Jean MAHÉ de l’Ile d’Aignac à qui il fait le récit de ce qui s’est passé.

 

9 heures : Arrivée à Montoir de la troupe qui a contourné les marais après une longue marche de nuit. Étienne CHAILLON fait son rapport sur le registre de la police municipale de Montoir. Il conclut en faisant porter la responsabilité des évènements “ aux perfides insinuations des prêtres réfractaires, réfugiés, dit-on à Saint-Joachim et à Kerfeuil “ . Il demande l’assistance de l’autorité pour la protection des bon citoyens de cette paroisse.

 À Saint-Joachim arrivent les chalands revenant de Kerfeuil. Jean VINCE et François PICAUD qui, rappelons-le, est secrétaire-greffier de la municipalité, regagnent leurs demeures, ce dernier ayant la surprise de constater qu’un attroupement le suit et entre avec lui dans sa maison. Bonne-Barbe est là, armé d’un pistolet dont il le menace pour obtenir de la poudre. Voyant son mari en danger, la femme de PICAUD déclare qu’il n’y a plus de poudre du ci-devant commissaire des poudres et salpêtre et que, depuis la révolution, ils n’en vendent plus. Elle doit montrer le baril qui est vide. Bonne-barbe qui est déjà ivre , quitte la maison, mais les autres restent. Ils veulent la liste des hommes inscrits pour faire partie de la garde nationale et demandent la clef de la maison communale pour aller la chercher. À la maison communale ils déclarent ne plus vouloir servir la nation. Le secrétaire-greffier leur répond que ce n’est pas son affaire mais celle du procureur. Devant leurs menaces il fait appeler celui-ci.

À son arrivée, Jean VINCE leur dit que ce sont eux-mêmes qui se sont fait inscrire sur cette liste, personne ne les y ayant forcés. Ils se retirent alors en disant qu’ils la veulent pour le soir.

 

10 heures : Bonne-Barbe en quittant la maison du greffier rencontre Guillaume MAHÉ de l’Ile de Bais avec lequel il boit 4 bouteilles de vin (!).

 

17 heures : Le maire, Emmanuel OLLIVAUD, arrive au bourg de Montoir. Il fait arrêter le tocsin qui sonne depuis la nuit précédente. En effet, les gens de La Chapelle-des-Marais, répondant à son appel commencent à débarquer . Il prétend arriver de Brière où il est allé chercher des bestiaux et apprendre seulement alors ce qui s’est passé.

Il décide la tenue d’une assemblée communale, se rend chez François PICAUD et le requiert de venir rapporter un procès-verbal justificatif des habitants accusant “la garde nationale et autre force armée de s’être conduits comme des brigands et gens sans aveu” . PICAUD refuse mais est contraint par le peuple de se rendre chez Jean VINCE, fils de Grégoire et époux de Jeanne MOYON auxquels le maire a demandé que l’assemblée se réunisse chez eux du fait de la pluie. Sous la contrainte, PICAUD commence à écrire le procès-verbal.

 

18 heures : Après ses libations avec Bonne-Barbe Guillaume MAHÉ, conduit par Julien HALGAND, arrive à l’assemblée où il continue la rédaction du procès-verbal. Bonne-Barbe est là bien sûr. A-t-il fait des pressions sur les rédacteurs pour les obligés à écrire comme certains l’ont affirmé ? Ce qui est sûr c’est qu’il était ivre et a frappé d’un coup de poing l’officier municipal Joseph MAHÉ qui s’est alors retiré.

Qu’y avait-il sur ce procès-verbal ? On ne le saura jamais car il a rapidement disparu et tous les assistants, y compris les rédacteurs, furent, semble-t-il, frappés d’amnésie à son sujet par la suite.

La nuit tombant, chacun rentre chez soi. François PICAUD, qui, toute la journée a senti la pression sur lui et craint une nouvelle intrusion, envisage une fuite rapide et prépare un paquet de ses effets.

 

Lundi 4 juin 1792

 

Vers la fin de la nuit PICAUD entend du bruit, panique et, abandonnant ses effets, meubles et linge, il s’enfuit dans un coin de la Brière avec son épouse.

Tôt le matin, une troupe quitte Montoir pour Saint-Joachim afin d’y arrêter les moteurs de la révolte. Elle comprend environ 300 hommes et est composé de dragons du 16ème régiment stationné à Paimboeuf et de gardes nationaux de cette ville, accompagnés de 12 canonniers marins avec trois pièces de campagne. A la tête de cette troupe CHOTARD, procureur-syndic du district de Guérande, GOURLAY, administrateur du district de Savenay, BOULAY, procureur-syndic du district de Paimboeuf, RATEL administrateur du district de Guérande, ZIMMERMANN, commandant du district de Paimboeuf. Le maire de Saint Joachim, Guillaume AOUSTIN, les accompagne.

Le Brivet franchi, on arrive sur le territoire de la trêve (succursale d’une paroisse) de Saint-Joachim. Toutes les portes sont fermées. La troupe commence à les ouvrir de force pour saisir les personnes et les armes, mais les maisons sont vides. Les habitants sont quelque part dans les marais, sur leurs chalands, avec leur linge.

Surviennent alors 3 marins qui disent se rendre à Méan pour embarquer, on les laisse aller. (Méan était alors un port important de l’embouchure de la Loire face à celui de Paimboeuf). Le tocsin sonne à Saint-Joachim. En route pour ce bourg, la troupe rencontre Jean OLLIVAUD, dit Bonne-Barbe, qui tente de s’enfuir. Reconnu par Jean BEZIER et Fleury RATIER pour être celui qui a désarmé le jeune CHAILLON, il est arrêté.

Le détachement arrive enfin au lot de Pendille pour apercevoir une trentaine d’embarcations qui font voiles vers Saint-Lyphard. Un coup de semonce est tiré et des soldats se mettent à l’eau pour tenter de les joindre mais en vain.

La troupe commence alors à fracturer les portes et à perquisitionner les maisons du bourg sans rien trouver. Déception ! C’est alors que quelqu’un raconte que le samedi précédent, un dragon perdu a été enterré jusqu’au col et tué à coup de mottes de tourbe, après quoi le Te Deum avait été chanté. Les soldats furieux mettent alors le feu à deux ou trois maisons.

Le maréchal-des-logis MAYEU ayant réussi à calmer ses hommes, et après constatation de la désertion totale du pays, tout le monde reprend le chemin du bourg de Montoir.

Là, on décide de conduire Bonne-Barbe chez le juge de paix du canton et on établit le rapport des faits mentionnés ci-dessus. 25 dragons restent en garnison à Montoir. Le reste des dragons, 25 autres dragons arrivés de Savenay, les canons et leurs canonniers repartirent le lendemain pour Paimboeuf ainsi que la garde nationale de cette ville laissant au passage Bonne-Barbe au juge de paix de Donges.

 

Vers 13 heures : François PICAUD et sa femme regagnent leur maison. Hélas ! L’expédition militaire est passée par là. Le soupçonnant d’avoir chez lui des munitions de guerre et trouvant la porte fermée, les soldats l’ont enfoncée. Y ayant perquisitionné à deux reprises sans trouver ce qu’ils cherchaient, ils se sont emparés d’une barrique de vin au trois-quarts pleine et ont utilisé tous les récipients disponibles pour boire et ont mangé un pain qui était sur une table. Rassasiés, ils se sont retirés après avoir brisé tout ce qu’ils avaient sous la main. Ils ne se doutaient pas qu’ils venaient de dévaster la demeure de celui qui était probablement le meilleur patriote de la commune (ADLA L.1394-272).

 

Mercredi 6 juin 1792

 

Entrevue des représentants du département avec la municipalité de Saint-Joachim. Sont arrêtés et transférés à Nantes : le maire Guillaume AOUSTIN, les officiers municipaux Guillaume MAHÉ, assesseur du juge de paix, Denis MAHÉ collecteur des impôts, Joseph MAHÉ, Jean MOYON, Jean-MAHÉ, Pierre OLLIVAUD, le conseiller Jean MOYON. Autres personnes de Saint-Joachim arrêtés : Guy VINCE, Jacques JOUALLAND, Pierre AOUSTIN, fils de François, dit Pierrot jaune. (ADLA L.282)

 

Vendredi 8 juin 1792

 

Vers 21 heures, Jean VINCE, procureur de Saint-Joachim vient à Donges prévenir le juge BRIÈRE que les cadavres des deux dragons assassinés ont été retrouvés dans une douve près de Pendille.

 

Samedi 9 juin 1792

 

Vers 6 heures, Maurice BRIÈRE, juge de paix du canton arrive au bourg de Montoir. Il y trouve Jean VINCE et François PICAUD. Ils lui précisent qu’ils ont trouvés les cadavres dans une curée qui conduit de l’ile de Pendille à celle de Mazin et le prient de venir sur les lieux.

Mais « considérant l’état d’insurrection notoire où est actuellement le pays et n’ayant aucune force pour nous protéger et faire respecter, nous avons cru qu’il était de la prudence de faire amener les mêmes cadavres au bourg de Montoir » déclare le juge.

VINCE et PICAUD sont donc priés de retourner à Pendille et de ramener le plus vite possible les corps à Montoir.

 

Vers 14 heures, les cadavres sont arrêtés au cimetière. Le juge s’y rend accompagné de deux chirurgiens : Jean-Joseph NOBLET et Emmanuel OLLIVAUD. La description des vêtements est la suivante : habits verts à parements, revers et doublure roses, gilets blancs, pantalons de cotonnade rayés de plusieurs couleurs. L’un a sous son pantalon une culotte de peau, l’autre un autre pantalon. Tous les deux ont des cheveux bruns et sont sans chapeau. L’un a sur le bras gauche un chevron et un galon de laine blanche, les souliers de l’un sont attachés par des boucles d’ordonnance, ceux de l’autre par un ruban.

L’un a son baudrier et sa giberne attachés à son bras droit, giberne dans laquelle on trouve son bonnet et des guêtres blanches. L’autre n’a rien. Enfin l’un a dans ses poches un mouchoir blanc et trois câlines (coiffes) de femmes et l’autre rien.

On déshabille les cadavres pour permettre aux chirurgiens de faire leur travail. Les crânes ont été défoncés par des coups portés par des instruments moitié tranchants, moitié contondants. Ceci étant suffisant pour constater le genre de mort, ils se sont dispensés de faire plus ample examen. Ils estiment que le décès remonte à 7 ou 8 jours.

L’inhumation est faite dans le cimetière par le vicaire-gérant en présence d’un détachement de la garde nationale du Morbihan arrivé à midi et « d’un grand concours de peuple ».

 

Le procès-verbal est rédigé par BRIÈRE en présence de Jean VINCE, François PICAUD, Martial AOUSTIN de Saint-Joachim, Jean PELTIER de Montoir, Jean NOBLET et Emmanuel OLLIVAUD, chirurgiens.

 

Dimanche 10 juin 1792

 

Vers 10 heures, Jean VINCE, François PICAUD et Pierre JAFFRÉ de Saint-Joachim, apportent au greffe de la justice de paix du canton, deux fusils de dragons qui ont été déposés dans la nuit, l’un ayant la crosse cassée, à la porte de JAFFRÉ, l’autre dans le cimetière. Les deux sont sans baïonnettes. (ADLA L.1394-271)

 

Mardi 12 juin 1792

 

Vers 9 heures, le directoire du département de Loire-Inférieure (ex Loire-Atlantique), assemblé au lieu ordinaire de ses séances, procède à l’audition des personnes arrêtées après les évènements de Pendille.

 

 

 

Extraits des procès-verbaux d’interrogatoires de l’instruction et du jugement

 

Ci-après, des extraits des procès-verbaux (L.282) qui seront suivis de résumés d’interrogatoires des mêmes témoins et d’autres, répétitifs, complémentaires ou contradictoires. Ayant déjà servis à établir la chronologie des évènements, ils permettent néanmoins de mieux connaître les personnes concernées.

Le lecteur remarquera au passage que, du fait que la population locale porte moins d’une dizaine de patronymes et presqu’autant de prénoms, il est souvent nécessaire an parlant d’une personne, de préciser le prénom de son père, voire parfois le hameau habité, ce qui ne facilite pas la compréhension et demande une attention particulière. Ainsi, par exemple de ces évènements, il y avait sur cette petite commune de Saint Joachim au moins 12 Jean OLLIVAUD dont 10 majeurs. Dans la base généalogique j’ai rattaché, pour la plupart, les participants de cette affaire à ce texte. Malheureusement, quelques-uns étant restés ambigus n’ont pas été rattachés notamment Marie MOYON et sa sœur Julienne ainsi que Marie HALGAN qui tenait un cabaret. Quelques autres, comme Jean Joseph NOBLET, chirurgien, pour lesquels je n’avais aucune date d’évènement et qui n’habitaient peut-être pas sur les paroisses de Montoir ou Saint-Joachim, sont dans le même cas.

 

Interrogatoires au tribunal de Nantes

 

Guillaume AOUSTIN :

52 ans, maire de Saint-Joachim depuis la Saint Martin 1791, il n’a pas prêté le serment civique lors de son élection car il ne pensait pas que ce fut nécessaire. Les officiers municipaux ne l’ont pas fait non plus.

Il n’a pas connaissance d’un projet de révolte avant l’insurrection mais toute la paroisse était soulevée contre la municipalité ainsi qu’il l’avait écrit au district. Personne ne l’a attaqué personnellement mais il y avait une grande fermentation contre le sieur PICAUD, secrétaire-greffier, qui était insulté et menacé par tous les habitants et spécialement par ceux qui n’avaient pas payé le rôle d’acompte. Parmi eux on remarquait surtout Denis AOUSTIN de Mazin.

Il y a 5 prêtres non assermentés dans la succursale (trêve) de Saint-Joachim : Joachim MAHÉ et Joseph OLLIVAUD vicaires du lieu, Pierre AOUSTIN, ex curé de La Chapelle-Launay, Pierre OLLIVAUD, ancien vicaire des Trescalan en Guérande, Joseph MOYON, ancien vicaire de Férel. On a aussi vue se promener plusieurs fois sur la paroisse l’abbé de KERGUISE de Crossac. Les vicaires MAHÉ et OLLIVAUD ainsi que Pierre AOUSTIN sont déguisés en paysannes. Seul Pierre OLLIVAUD, assermenté, dit la messe depuis l’arrêté du 22 mars 1792.

A la question : pourquoi les officiers municipaux n’ont-ils pas fait exécuter le dit arrêté du 22 mars qui les charge de conduire au chef-lieu les prêtres non assermentés ? il répond qu’ils sont si grossiers et si peu instruits qu’ils n’entendent rien à toutes ces affaires.

Il n’a pas connaissance que ces prêtres aient incité au refus du paiement des contributions ni au port de la cocarde blanche (signe d’appartenance des royalistes)

Il n’a pas connaissance de dépôt ni de distribution d’armes de guerre dans la commune.

Il n’a pas non plus connaissance des motifs de l’insurrection de Pendille. Habitant loin du bourg, il était dans son lit quand les faits ont eu lieu. C’est seulement le lendemain en se rendant à Saint-Joachim à 5 heures du soir qu’il a appris ce qui s’était passé par deux habitants, Guillaume OLLIVAUD et Jean MÉAUDE qui vinrent le chercher pour dresser un procès-verbal justifiant les habitants. Il a signé ce P.V. sans l’avoir lu. Il n’y avait pas d’autres membres de la municipalité et lui seul força le secrétaire-greffier à faire cet écrit. Pendant la rédaction, Bonne-Barbe était là, un couteau à la main, menaçant le greffier parce qu’il croyait qu’il écrivait contre les habitants. Il s’en alla quand il sut que le procès-verbal était en leur faveur.

En arrivant à Saint Joachim, il avait fait arrêter le tocsin qui sonnait, parait-il, depuis le début de l’insurrection. Déjà, à ce moment arrivaient, appelés par le son de la cloche, des particuliers de la Chapelle-des-Marais armés de bâtons qui venaient pour la défense des Briérons.

Il n’a pas connaissance que le procureur de la commune soit allé le lendemain matin chercher du secours dans les paroisses voisines.

Il n’y a pas de canon en Brière

Il n’y a pas d’hommes armés qui gardent les prêtres non assermentés qui disent la messe.

Relativement aux commissions de répartition des impositions on avait commencé quelques notes qui se sont perdues, tout le monde refusant de se prêter à l’opération.

OLLIVAUD, dit Bonne-Barbe, était effectivement un des plus puissants moteurs du mauvais état d’esprit, pas pour le refus de payer l’acompte mais il n’admettait pas qu’on eut à travailler pour l’avantage de la nation. Il était venu un soir à la maison commune et s’était emparé par violence du rôle d’acompte que Monsieur CHAILLON qui se trouvait là lui avait ôté.

 

Guy VINCE :

67 ans, batelier, demeurant au bourg de Saint-Joachim.

Il ignore les causes de la révolte et les noms de ceux qui ont commencé. Il entendit du bruit, Julien et Marie HALGAN du bourg, ses neveux et nièces vinrent le faire lever. Il alla de suite à Pendille où était le bruit et où son neveu l’avait précédé.

En arrivant il prit une fourche mais tout était fait. Il vit les dragons morts étendus face contre terre et ignore ce qu’il est advenu des cadavres. A son arrivée, il y avait là quatre à cinq cent personnes de Pendille, Mazin et du bourg de Saint-Joachim. Outre son neveu et sa nièce il a remarqué entre autres : Jean OLLIVAUD, Marie MOYON, fille de Pierre de Pendille, armée d’une fourche dont elle lui dit avoir donné un bon coup à un dragon et qu’elle avait contribué à sa mort.

C’est Grégoire VINCE, ancien marin à la demi-solde qui donna au sacristain Jean SIMON, l’ordre de sonner le tocsin. Lui-même le sonna mais sans prendre l’ordre de personne.

Denis HALGAND, de Pendille, armé d’une fourche, ôta le fusil d’un des dragons et assista à sa mort.

Denis VINCE dit « Joyeux », fils de Joachim, était présent à la mort des deux dragons.

Il vit Denis HALGAND et Denis VINCE frapper sur les corps des dragons.

Pierre AOUSTIN, fils de Jacques, Julien HALGAND dit « Luret » et Guillaume BERCEGEAY assistèrent à la mort des dragons. Il les vit les frapper avec leur fourche mais lui-même ne frappa pas.

A l’observation qu’il était bizarre de frapper ainsi des corps morts, il répond qu’ils n’étaient pas tout à fait morts et que, lors de son arrivée, ils faisaient des mouvements qui annonçaient qu’ils étaient vivants.

Le procureur Jean VINCE alla le lendemain, avec son gendre, Jean OLLIVAUD, demander des secours aux paroisses de Saint-Lyphard et d’Herbignac.

Pierre PHILIPPE, 30 ans, habitant près de l’église de Saint-Joachim a en sa possession un des mousquetons des dragons et il a vu entre les mains de Denis VINCE dit « Joyeux », fils de Joachim, un petit fusil qu’il soupçonne être celui du fils OLLIVAUD.

Il ne sait pas signer.

(Voilà un bel exemple de témoignage contradictoire d’un homme qui après avoir déclaré être arrivé après les évènements, témoigne de ce que d’autres que lui sont susceptibles d’y avoir fait. Sans parler de la lâcheté à agir ainsi. Il suffisait probablement de lui susurrer quelque chose pour qu’il en témoigne)

 

Guillaume MAHÉ

44 ns, de Bais, charpentier et assesseur du juge de paix.

Il n’eut connaissance des évènements que le lendemain par le nommé « Bonne-Barbe » qui lui montra le pistolet pris au fils CHAILLON à qui il dit avoir fait payer 4 bouteilles de vin. Il ne dit rien à Bonne-Barbe qui est un méchant homme.

Dans la nuit, il a entendu le tocsin mais est resté chez lui.

Il sait que des prêtres non assermentés ont demeuré à Saint-Joachim. Il a même logé chez lui OLLIVAUD, ex-vicaire de Trescalan, mais il l’avait mis dehors avant les troubles.

Il a su qu’un prêtre dit la messe à Saint-Joachim, mais n’y a jamais assisté.

Le dimanche 3 juin, étant allé à Saint-Joachim, chercher des outils utiles à sa profession, il a été mené par Julien HALGAND, dit « Luret », au lieu où se faisait le procès-verbal. Là, Bonne-Barbe le força, le couteau sur la gorge, de dicter la suite du procès-verbal en le menaçant de le tuer. Il força de la même manière le greffier à l’écrire.

Le procès-verbal était écrit dans le dessein de faire regarder la garde nationale et les dragons comme des brigands qui venaient attaquer la nuit les citoyens paisibles mail il est bien convaincu de la fausseté de ces allégations.

Il n’est pas allé à Pendille, mais, s’étant rendu au bourg de Montoir pour affaire, il y a été arrêté et transféré à Nantes. Tout ce qu’il sait sur l’affaire, il le tient des personnes incarcérées avec lui et en particulier de Guy VINCE.

 

Jean OLLIVAUD dit « Bonne-Barbe »

40 ans, batelier demeurant dans l’ile de Mazin.

Le samedi 2 juin, il arriva vers minuit de Paimboeuf à sa demeure de Mazin et se coucha de suite. Le lendemain, il alla au bourg de Saint-Joachim où il trouva le pays en révolte. Il vit le fils CHAILLON qui lui présenta son pistolet, qu’il prit, puis il le défendit de la violence d’un homme qui le menaçait d’une pelle. Il fit ensuite payer du vin au jeune homme. (Quelle défense pitoyable !)

Il ne peut donner aucune preuve de sa présence à Paimboeuf le samedi.

Il est parti de Saint-Joachim à midi pour rentrer chez lui. Il revint au bourg au soleil couchant et repartir à Mazin à 9 heures.

Confronté à Guillaume MAHÉ, qui l’accuse de l’avoir obligé sous la menace à dicter le procès-verbal, il nie les faits et dit que s’ils sont réels il ne s’en souvient pas.

Le lendemain il a pris la route de Montoir et a été arrêté à une lieue de Saint-Joachim par les dragons.

Il s’est bien opposé à l’assiette des contributions et s’est bien emparé du rôle d’acompte. Il l’a fait parce que ce rôle était injuste et avait été substitué à un autre qui était justement réglé.

 

À ce moment, le procureur, considérant que les interrogatoires des personnes arrêtées n’apportent rien de plus à ce que l’on sait déjà est d’avis d’arrêter là les auditions et de maintenir au château (de Nantes) les personnes qui y sont déjà. (ADLA L.282)

 

27 juin 1792 : Poursuite des interrogatoires de témoins par Pierre Maurice BRIÈRE, juge de paix du canton de Montoir

 

Guillaume MAHÉ, fils de Guillaume (voir ci-dessus)

Charpentier à l’ile d’Aignac.

Il n’a eu connaissance des faits que le lendemain par Jean OLLIVAUD dit « Bonne-Barbe ». Il avait entendu le tocsin sonné mais était resté chez lui.

Le lendemain, dimanche, étant allé à Saint-Joachim, il a été mené par Julien HALGAND dit « Luret » au lieu où se faisait le procès-verbal. Bonne-Barbe lui montra un pistolet pris au fils CHAILLON et l’obligea, le couteau sur la gorge, à dicter le reste du PV. Le greffier fut aussi forcé.

 

Guillaume AOUSTIN, fils de Pierre, maire de Saint-Joachim

Il demeure à Bais.

Il n’a rien entendu ni su. Le lendemain il est allé chercher des bestiaux en Brière et c’est à son retour à 5 heures du soir qu’il a appris ce qui s’était passé.

 

Jean MAHÉ, fils de Guillaume

Il demeure à Aignac.

Il a entendu le tocsin mais est resté dans son lit. Le lendemain, se rendant à Saint-Joachim vers les 10 heures, il rencontra le fils CHAILLON, tout mouillé, qui retournait seul à Montoir. C’est lui qui lui raconta les évènements.

 

Pierre OLLIVAUD, fils d’André d’Aignac. Il n’a appris que le lendemain que 2 dragons avaient été tués.

 

Joseph MAHÉ, fils de Jacques de Pendille. Il s’était couché quand Jean OLLIVAUD, fils de Jean, (il ne s’agit donc pas ici de « Bonne-Barbe » mais plutôt d’un autre né en 1760 et époux de Jeanne VAILLANT) est venu le chercher pour aller voir ce que les bleus voulaient. En cours de route, pris de peur, il se rendit chez son voisin Denis MAHÉ où il resta enfermé avec plusieurs autres personnes.

 

Denis MAHÉ, fils de Jean d’Aignac : C’est le lendemain, en se rendant à Saint-Joachim qu’il apprit la mort des deux dragons. Pierre OLLIVAUD, fils de Julien, de Ménac, lui dit : « Si j’avais eu un papier du maire, j’aurais fait venir du monde. »

 

Jean MOYON, fils de Jean, d’Aignac : Il n’apprit les évènements que le dimanche soir. Appelé chez Jean VINCE, fils de Grégoire, et prié de signer le procès-verbal en faveur des habitants, il a refusé.

 

Jacques JOALLAND, fils de Jean de Pendille : Marie MOYON, fille de Pierre de Pendille vint le faire lever dans la nuit, le menaçant d’une fourche. Arrivé au lieu de l’embarquement, les bateaux étaient partis. Il vit deux canons de fusils pliés.

 

Pierre AOUSTIN, fils de François de Saint-Joachim : il n’a tout appris que le lendemain et ne sait rien de plus.

 

Jean MOYON, fils de Jean de Fédrun : il ne sait rien non plus. Il se rendit le lendemain chez Jean VINCE avec Martial AOUSTIN. Tous deux refusèrent de signer le procès-verbal.

 

Pierre DESMARS, laboureur à la Haie-Ferrière en Prinquiau : il aurait dit le 6 juin au bourg de Montoir que, dans sa paroisse, il y aurait eu une liste de personnes pour aller au secours des Briérons. C’est possible, mais il n’en sait rien car il avait bu. Il a bien connaissance d’une liste sur laquelle on a inscrit des gens sans leur demander leur avis, mais sûrement pas pour aller au secours des gens de Saint-Joachim.

 

Jean OLLIVAUD dit « Bonne-Barbe » est à nouveau interrogé : Il n’a pas pu participer à l’insurrection puisqu’il ne sortit pas de chez lui. Se rendant à Saint-Joachim le dimanche à la pointe du jour, il trouva le pays en révolte et rencontra le fils CHAILLON qui lui donna son pistolet. Il le défendit ensuite de la vindicte d’un inconnu qui voulait le maltraiter avec une pelle et força ledit CHAILLON à lui payer du vin.

Qu’il ait forcé le greffier et Guillaume MAHÉ, le couteau sous la gorge, à écrire le PV, c’est possible mais il ne s’en souvient pas car il avait bu. (On remarquera que l’ivresse est à plusieurs reprises perçue comme une excuse à cette époque)

 

Le juge BRIÈRE délivra un mandat d’arrêt contre « Bonne-Barbe » et ordonna l’élargissement des autres.

 

Poursuite de l’interrogatoire et procès de « Bonne-Barbe »

 

24 juillet 1792

 

Jean OLLIVAUD dit « Bonne-Barbe » est transféré par les gendarmes nationaux de Pontchâteau de Donges à la maison d’arrêt de Guérande où il arrive à 2 heures. (ADLA L.1394-279)

 

25 juillet 1792

 

Lors d’un interrogatoire mené par René Jean LANGEVIN, juge au tribunal de Guérande, « Bonne-Barbe » confirme ses déclarations précédentes. Revenant de Paimboeuf dans la nuit du 2 au 3 juin et passant par Saint-Joachim, il se mit à boire et y resta une partie du dimanche. Il nie être entré chez PICAUD pour avoir de la poudre. D’ailleurs il n’a jamais eu de fusil et personne ne lui en a prêté.

Interrogé sur 7 barriques de poudre et 2 caisses de fusils qui ont dû passer sur la rivière de Pontchâteau et être débarquées vis-à-vis de la métairie de La Hibodais le jeudi 31 mai, il n’en sait rien.

Il est arrêté à l’issue de l’audience.

 

31 juillet 1792

 

Procès de Jean OLLIVAUD dit « Bonne-Barbe ». René Jean LANGEVIN, troisième juge au tribunal de district de Guérande, directeur du juré d’accusation, assisté de son adjoint Zacharie Jan, commis greffier, commence les auditions des témoins :

 

Jacques JOALLAND, chaloupier, 36 ans, de Pendille : Marie et Julienne MOYON l’obligèrent à se lever (voir plus haut). Le 5 juin, Pierre BERCEGEAY, fils de Guillaume, du lot de Pendille lui raconta que, dans la nuit, il avait aidé à jeter les cadavres des deux dragons dans l’eau au bout des marais de Pendille.

 

François PICAUD, secrétaire de la commune de Saint-Joachim, 36 ans, demeurant au bourg de Saint-Joachim : « Le dimanche 3 juin, vers les 9 ou 10 heures, « Bonne-Barbe » entra chez moi avec plusieurs inconnus et me demanda de la poudre pour charger un pistolet. Comme je n’en avais pas il est parti en gesticulant. Je crois qu’il était ivre. »

Le soir, vers 5 ou 6 heures, se tint une assemblée municipale. Le maire Guillaume AOUSTIN le requit de rapporter le procès-verbal contre la garde nationale et autre force armée qu’il prétendait s’être comportées comme des brigands. Il se refusa à le rédiger. Le peuple le força à se rendre chez Jean VINCE, fils de Grégoire, où Guillaume MAHÉ l’obligea à écrire sous sa dictée. Il ne sait ce qu’est devenu ce PV et ne se souvient pas de ce qu’il contenait.

Il vit aussi Jean OLLIVAUD porter un coup de poing à Joseph MAHÉ, officier municipal.

 

Guillaume MAHÉ, fils de Guillaume, charpentier entrepreneur, 43 ans, demeurant à Bais (Chieloup) : le dimanche 3 juin au matin il rencontra Jean OLLIVAUD tenant un pistolet qu’il dit être au fils CHAILLON. Il but quatre bouteilles de vin avec lui. Le soir, entrainé par julien HALGAND dit « Luret », il se rendit à l’assemblée de la commune où Jean OLLIVAUD le força, le couteau sous la gorge, à signer le procès-verbal. Il pense que celui-ci a commis ses excès sous l’effet de l’ivresse.

 

Jean VINCE, charpentier, 28 ans, du bourg de Saint-Joachim et procureur du lieu : il ne sait rien. Il a simplement vu « Bonne-Barbe » à l’assemblée de Saint-Joachim.

 

7 août 1792 

 

Reprise des interrogatoires par le juge LANGEVIN.

Joseph MAHÉ, officier municipal de Saint-Joachim : le dimanche 3 juin au soir, Julien HALGANG, fils de Julien, vint le chercher pour une réunion chez Jean VINCE. Au moment d’entrer, « Bonne-Barbe » lui donna un coup de poing. Il prit alors le parti de se retirer (ADLA L.1394-277).

 

8 août 1792

 

Guillaume AOUSTIN, maire, 52 ans, d’Aignac : le 3 juin, à 5 heures du soir, il se rendit chez le greffier et lui enjoignit de venir écrire la délibération qu’il était question de faire au sujet de l’émeute. Le greffier écrivit quelque chose qu’il signa sans le lire. Voyant « Bonne-Barbe » à la porte avec un couteau, il lui dit de se retirer. Celui-ci ferma alors son couteau et s’en alla.

 

Marie MOYON, 69 ans (?) : Elle déclare avoir été réveillée par les bleus qui menaçaient de défoncer la porte. Sa sœur Julienne ouvrit et lui dit que les soldats étaient allés chez leur frère Jean. Elle nie être allée chez Jacques JOUALLAND.

 

Joseph BERCEGEAY, fils de Guillaume, 21 ans était à Paimboeuf dont il ne revint que le dimanche matin. Il ne sait rien.

 

Jean VINCE, fils de Grégoire, 50 ans, charpentier : Le dimanche soir, le maire lui demanda d’entrer chez lui avec d’autres personnes car il pleuvait. Il vit écrire mais ne sait pas quoi et ne vit pas « Bonne-Barbe » menacer qui que ce soit. (ADLA L. 1394-278)

 

23 août 1792

 

Le directeur du juré du tribunal de district de Guérande, LANGAVIN, ayant entendu Jean OLLIVAUD et procédé à l’examen des pièces relatives aux causes de sa détention et de son arrestation n’a pas trouvé que ce délit fût de nature à mériter « peine afflictive ni infâmante », mais malgré son rapport, le tribunal de district, après avoir entendu le commissaire du Roi, a décidé que le délit était de nature à mériter de telles peines. En vertu de cette décision, le directeur du juré a dressé l’acte d’accusation suivant :

« Bonne-Barbe » est prévenu :

- d’avoir méchamment et à dessein tiré sur le détachement envoyé à Saint-Joachim le 2 juin

- d’avoir désarmé les jeunes CHAILLON et OLLIVAUD en les maltraitant

- d’avoir demandé de la poudre au sieur PICAUD avec menaces et imprécations et le pistolet à la main

- d’avoir, le couteau sous la gorge, forcé Guillaume MAHÉ à signer le procès-verbal en faveur des habitants de Saint-Joachim

- d’avoir frappé l’officier municipal Joseph MAHÉ

L’accusé nie les faits à moins qu’il ne les ait commis en état d’ivresse. Le juré aura à se prononcer s’il y a lieu d’accuser le dit OLLIVAUD d’avoir commis ces faits (ADLA L.1394- 279, 281 et 282)

 

27 août 1792

 

Nouveaux témoignages devant le tribunal de Guérande.

Alexandre OLLIVAUD, 22 ans, du bourg de Montoir : La nuit du 2 au 3 juin, à Pendille, il fut assailli par 4 hommes armés de fourches qui le maltraitèrent cruellement. Il a cru reconnaître parmi eux un homme qui portait les mêmes habits qu’il vit par la suite sur Jean OLLIVAUD.

 

Baptiste CHAILLON, 18 ans du bourg de Montoir : la nuit du 2 au 3 juin, la garde nationale et les dragons ayant été dispersés, il se trouva comme égaré et « cherchant à s’en revenir » à Montoir. Vers les 6 heures du matin, il rencontra un homme qui lui fit passer un étier en bateau mais « Bonne-Barbe » était de l’autre côté avec 300 personnes et obligea le batelier à le lui remettre.

Celui-ci le saisit au collet, le désarma et le traina chez Marie HALGAND à Saint-Joachim où on délibéra pour savoir si on le pendrait ou le laisserait aller. Au bout d’une heure, il lui fût permis de s’en aller, ce qu’il fit. « Bonne-Barbe » lui courut après, lui reprochant de partir sans adieu. Après avoir satisfait à cette politesse il le laissa partir.

 

Fleury RATIER, 17 ans, de Guersac : le dimanche 3 juin vers 4 heures du matin, intrigué par les cloches qui ne cessaient de sonner, il se rendit à Saint-Joachim où il vit un grand rassemblement près de l’église. On y disait « les prêtres peuvent bien venir, nous sommes assez nombreux pour les défendre ». Il vit « Bonne-Barbe » conduire le jeune CHAILLON chez Marie HALGAND et l’y menacer. Le batelier qui l’avait aidé à passer les étiers le défendit mais il dut faire la dépense de 4 bouteilles de vin au profit des assistants, soit 40 sous qu’il n’avait pas sur lui. Le déposant les lui prêta pour sauver son habit qu’il était question de lui ôter en gage. CHAILLON sortit pour s’en aller, « Bonne-Barbe » et ses assistants le suivirent en l’invectivant puis le laissèrent aller.

 

Jean BEZIER, 60 ans du village du Clos (dans l’ile du Clos) : Au mois de mars 1791, il rencontra « Bonne-Barbe » chaussée d’Aignac. Celui-ci, voyant qu’il avait une cocarde nationale à son chapeau, le menaça de lui enlever celle qu’il avait dans le ventre. Il sortit son couteau et l’en aurait frappé si d’autres personnes ne l’en avaient empêché. Il ne connaît rien sur l’affaire du mois de juin.

 

Le juré dit oui, il y a lieu d’accuser Jean OLLIVAUD d’avoir commis les faits qui lui sont reprochés. L’accusé sera transféré de Guérande à la « maison d’arrêt en la maison de justice du tribunal criminel du département de Loire-inférieure séant à Nantes. »

 

4 septembre 1792

 

Copies de l’ordonnance ci-dessus remises à l’accusé et aux secrétaires greffiers des municipalités de Guérande et de Montoir (ADLA L.1394 – 283).

 

5 septembre 1792

 

Jean OLLIVAUD est écroué à la prison du Bouffay à Nantes (ADLA L..865)

 

7 septembre 1792

 

Transmission par Zacharie JAN, au tribunal criminel de Nantes, des pièces de procédures concernant l’accusation contre Jean OLLIVAUD (ADLA L.1394- 285)

 

17 octobre 1792

 

Mise en liberté de Jean OLLIVAUD en vertu du jugement rendu au tribunal criminel de Loire-inférieure (L.685)

 

Voilà donc une affaire dans laquelle les hommes de loi se préoccupèrent plus de faits annexes que du meurtre des deux dragons, affaire qui se termina par un non-lieu. Fut-ce pour ne pas envenimer une situation insurrectionnelle en Brière ?

 

Pour plus de détails sur la vie de Jean OLLIVAUD dit « Bonne-Barbe » , voir la base généalogique.

 

 

 

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