GÉOGRAPHIE,
HISTOIRE ET GÉNÉALOGIE DE LA BRIÈRE
La vie dans le marais et les Iles
L’élevage
Dans les communes Briéronnes, il était d’usage de
pratiquer un petit élevage. Saint-Malo-de-Guersac n’a pas échappé à cette
coutume. Ainsi, dans nos villages concernés, de La Bosse à Rozé, on retrouve
cette tradition. L’élevage était très souvent une activité annexe. Le chef de
famille était ouvrier, commerçant, artisan ou marin. Ceci dit, les familles qui
en vivaient vraiment avaient des élevages plus importants. Cette tâche était
donc souvent réservée aux femmes
Les volailles
Presque chaque famille élevait des volailles, surtout des poules (environ 4 ou 5 par famille), pour le ramassage des œufs dont la vente apportait un petit complément financier. Mais on trouvait aussi des oies et des canards, qui à la belle saison, vivaient sur le marais. Il était de tradition de marquer les oies et les canards, le plus souvent aux palmes, afin de les reconnaître. Chaque animal avait donc la marque de son propriétaire. Ces volailles étaient élevées pour leur viande et étaient très souvent destinées à être vendues sur les marchés. Quelques dindes et pintades étaient également élevées, mais en moins grand nombre. Presque chaque famille élevait aussi des lapins destinés à la vente sur les marchés. Ainsi il était fréquent de voir le petit train du jeudi matin en direction de la Roche-Bernard accueillir nombre de volailles et lapins.
Les marques
Marques de reconnaissance des volailles qui déambulaient en liberté.
Chacun avait sa marque
(Source : Saint-Joachim, pays des Grandes Iles – La Pierre chaude)
Les porcs, les
moutons, les chevaux
Il était aussi
fréquent pour les familles d’élever 1 ou 2 cochons à l’année. La viande de porc
destinée à la consommation directe des familles était salée pour être
conservée. De nombreuses petites soues en pierres témoignent encore de
l’élevage des cochons. Des familles élevaient aussi quelques moutons, pour la
laine, souvent cardée avant d’être vendue, ou pour la viande. Les agneaux
étaient fréquemment vendus. Il y avait des chevaux pour le travail des champs
ou pour le commerce. Cet élevage était traditionnel en Brière car ils
s’adaptent très bien en milieu humide. Les archives municipales de Montoir font
mention à maintes reprises d’achats de reproducteurs sur les haras car la
demande était forte et les gens y venaient nombreux de Saint-Joachim et
Saint-Malo pour les saillies de leurs juments.
Les vaches
De nombreuses familles possédaient entre 1 et 3 vaches,
élevées pour le lait. Avant 1960, le surplus de lait était vendu au voisinage.
On faisait du beurre que l’on vendait à proximité aux voisins, aux commerçants
ou directement sur un marché. Le reste du lait était caillé, consommé avec des
pommes de terre ou donné en nourriture aux cochons.
Après 1960, le ramassage du lait facilitera la vie des
petits éleveurs. Tous les matins, le marchand de lait passait avec son camion
ramasser les bidons de lait. Tout le monde se souvient du tintement des bidons
s’entrechoquant sur le camion. La collecte était faite par la laiterie RIALLAND
de Montoir qui fabriquait du Camembert. Les bidons avaient une capacité de 20
litres. Une réglette graduée en métal permettait d’y définir la quantité de
lait.
Le marchand laissait un nombre égal de bidons vides à
celui ramassé sur le bord de la route. Ils étaient lavés et aseptisés par la
laiterie. Par temps chaud, pour ne pas perdre le lait, il était fréquent de
plonger les bidons la nuit dans les puits.
Lorsque les vaches étaient mises à paître hors du marais,
sur les parcelles privées des gagneries, elles étaient « potées »,
c'est-à-dire attachées avec une chaine à un pieu. En milieu de journée il
fallait les déplacer afin qu’elles aient suffisamment à manger. Elles étaient
systématiquement ramenées à l’étable pour la traite du soir et remises au pré
le lendemain matin après la traite et après avoir avalé les célèbres
« palées » composées de blé cuit, de son, de betteraves, d'épluchures
de légumes, de pommes, etc.…, véritable complément alimentaire bio.
Les veaux étaient vendus pour la viande. Les bouchers
passaient fréquemment dans les villages pour acheter les veaux, génisses ou
vaches qu’ils abattaient eux-mêmes. Les vaches étaient également utilisées pour
le travail des champs et étaient régulièrement attelées aux charrettes.
Le Parc de Brière à partir de 1988 a importé des vaches
écossaises (Highland Castle) sur le site de Rozé. Ces vaches sont particulièrement adaptées aux
milieux humides.
La vaine pâture ou droit de pâture
Au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, la vaine pâture est
un droit d’usage qui permet de faire paître gratuitement son bétail en dehors
de ses terres. Mais chacun ne pouvait envoyer paître qu’un troupeau
proportionnel à la superficie des terres qu’il livrait lui-même à la vaine
pâture. Les droits se perdront au fil du temps et les terres mises en commun à
la pâture seront de plus en plus réduites. Le droit de vaine pâture sera
supprimé sur l’ensemble du territoire français par la loi du 9 juillet
1889, sauf si le maintien d’un droit « fondé sur une ancienne loi
ou coutume, sur un usage immémorial ou sur un titre » est demandé par
le conseil municipal ou les instances départementales. La mairie de
Montoir demandera immédiatement à ce que ce droit soit maintenu sur la commune.
Sur les marais communaux, (sur la partie communale par opposition au marais indivis)
pour laisser les bêtes en vaine pâture, il est nécessaire de posséder un
morceau de marais ouvert à tous. Les marais communaux sont ceux de la petite
Brière, et ceux situés entre le Brivet et la Brière indivise. La vaine pâture
était limitée dans le temps. On ne pouvait y mettre les bêtes qu’après la coupe
des foins et jusqu’au 29 décembre. En 1889, la préfecture modifiera la date de
fin pour la prolonger jusqu’au 2 février. En 1893, le conseil municipal demande
à ce que le droit de vaine pâture soit ramené au 29 décembre car « cette
prolongation de la vaine pâture jusqu’au 2 février a fortement compromis la
récolte des foins depuis plusieurs années ». Il n’aura pas gain de cause et
la date restera fixée au 2 février. À Rozé, les marais sont rapidement inondés
et la vaine pâture en est ipso-facto réduite. De Brais jusqu’à la Bosse,
les marais sont plus hauts et permettent un pâturage plus tardif.
La vaine pâture n’est pas sans contrainte. Les animaux
doivent être gardés. Des barrières sont souvent mises à proximité des ponts
pour empêcher les bêtes de remonter et de faire des dégâts. La plupart des
petits éleveurs ramenaient les bêtes à l’étable chaque soir pour la traite et
les remettaient sur le marais après la traite du lendemain matin. Il est
également fréquent que des animaux se noient dans le Brivet. Ainsi un acte des
archives municipales de 1901 mentionne « qu’il a chargé Monsieur
GOUGEON de Rozé d’enfouir les cadavres de bestiaux apportés par le Brivet dans
les écluses de Rozé et ce pour la somme annuelle de 20 francs ».
En Grande Brière, au-delà du canal des fougères, les droits de pacage en Brière indivise
relèvent du Syndicat des marais des Donges. Le pacage est soumis à des taxes.
Une réclamation de 1942 nous apprend que « la taxe établie n’est pas
applicable en raison de ce qu’elle fait payer aussi cher pour 1 ou 2 animaux
que pour cinq. La commission syndicale décide que pour 1943 et les années
suivantes la taxe de 40 frs pour 5 moutons sera maintenue mais que pour moins
de 5 moutons elle sera de 10 francs par tête. » La taxe ne cessera
d’augmenter au fil des années
La Fourrière
Les animaux pacageant en Grande Brière doivent
impérativement être marqués ou poinçonnés. Le poinçonnage est effectué par les
gardes de brière et le prix en est fixé, en 1942, à 2 francs par bête présentée
les jours fixés par les gardes et à 5 francs par bête pour les retardataires.
Des sanctions sont données pour les animaux non marqués. Un acte de 1958
stipule que « la commission syndicale décide que les bovins trouvés en
Brière sans marque seront mis en fourrière par les gardes et les propriétaires
démunis de cartes justifiant l’acquittement de la taxe seront passibles d’une
amende de 5000 Francs, sans préjudice des autres frais tel que le temps passé
pour la prise et tarifs municipaux, et nourriture en fourrière. »
Les animaux devaient impérativement être attachés ou
gardés (dans le cadre des vaines pâtures). Les dégâts causés par les animaux
sur les parcelles privées étaient fréquents et à la base de nombreuses
plaintes. Le propriétaire devait alors s’acquitter des dégâts occasionnés par
ses bêtes. Tous les animaux divaguant étaient emmenés en fourrière. Il fallait
s’acquitter immédiatement des droits de fourrière pour pouvoir récupérer ses
animaux et mieux valait le faire rapidement car chaque jour la nourriture
donnée aux animaux venait alourdir la facture.
La coupe des foins et du
roseau
La coupe des foins et du roseau en Brière était très réglementée.
Tout comme la tourbe, une période de début de coupe était définie et cela date
d’avant la Révolution. Une ordonnance royale de 1786, donne autorité aux juges
royaux de Guérande de « Veiller et pourvoir à la conservation de la Brière,
au bon état, entretien et liberté des chemins qui conduisent au bon ordre de
l’exploitation et jouissance d’icelle ». Le procureur du Roi à
Guérande a alors ordonné « aux généraux des paroisses qui avoisinent
les bords de la Brière de s’assembler au lieu ordinaire de leurs délibérations,
le premier dimanche de chaque année qui suivra le quinze d’aoust
pour régler dans une délibération le jour où commencera pour chaque paroisse la
récolte des fourrages, litières et roseaux qui croissent en Brière. Défense
sera faite à tous les particuliers de commencer la récolte avant le jour qui
sera indiqué sous peine de confiscation des fourrages, litières et roseaux et
de trente livres d’amende pour chaque contrevenant. ». Cette
ordonnance a fait suite à une succession de querelles entre les habitants
riverains de Brière qui coupaient sans s’entendre sur des dates ou qui ne les
respectaient pas.
Le foin, récolté surtout sur les marais privés et sur les zones de pacages
fréquents.
Les bêtes étaient mises en pacage dès que les foins
étaient coupés au printemps.
Le travail du foin, tout comme celui de la tourbe
mobilisait toute la famille. Les hommes coupaient le foin à la faux. Les femmes
et les enfants le râtelaient. Il fallait venir le retourner pour qu’il sèche.
Ensuite tout le monde revenait afin d’établir des petits tas que les hommes
chargeaient ensuite à la fourche sur les charrettes attelées de chevaux, de
bœufs ou de vaches. Une fois ramené au domicile le foin était dressé en mulon
et couvert de roseau pour être protégé de la pluie.
Le roseau, exploité
pour diverses utilités.
-Le jeune roseau était coupé pour le fourrage des bêtes.
Le roseau plus ancien, trop dur pour être mangé, était coupé pour les litières.
-Le roseau de plus d’un an et assez haut était utilisé
pour le chaume. Les habitants le coupaient pour eux-mêmes, pour refaire leur
toiture, celles des diverses dépendances, mais aussi pour monter des palissades
de séparations. Ils le coupaient aussi pour le vendre aux chaumiers. Dans ce
cas, il était coupé à la faucille, mis en bottes de différentes tailles, 50,
100 cm,…Les bottes étaient attachées avec des roseaux
entrelacés; plus tard viendront les ficelles en nylon. Régulièrement il fallait
affûter les faucilles car le roseau est dur. Les bottes étaient ensuite
ramenées au domicile en charrette ou en chaland. Les chaumiers passaient les
chercher.
On retrouve dans les archives du Syndicat des marais de
Donges, les taxes de la coupe du roseau. Il est fait mention qu’en aucun cas,
les non briérons, c’est-à-dire non habitants des communes riveraines ne
pouvaient faire commerce du roseau. La coupe du roseau était essentiellement le
travail des hommes.
Taxe annuelle en francs |
Pour 1 ménage |
Pour en faire commerce |
Étrangers |
1946 |
50 |
100 |
500 |
1948 |
100 |
200 |
500 |
1956 |
500 |
1000 |
2000 |
La Tourbe
La Brière ne disposait ni de bois ni de charbon pour le
chauffage. En revanche, elle avait de la tourbe en quantité. La tourbe, ou
motte, était donc le principal combustible utilisé. Sa coupe s’y faisait depuis
un temps immémorial. Le plus vieux document qui en fait mention est une
ordonnance bretonne de 1461 stipulant que « depuis un temps
immémorial, les habitants des 17 paroisses riveraines étaient dans l’usage de
couper des mottes pour leur chauffage ».
Depuis l’ordonnance royale du 3 octobre 1838, la coupe de
la motte, est très réglementée. Le syndicat de Brière fixe tous les ans la date
de début et de fin de coupe et les lieux de Brière où l’on peut tourber. La
période de coupe était fixée l’été à la période où les niveaux d’eaux étaient
au plus bas et durait généralement un mois. Les amendes pour ceux qui
tourbaient en dehors des périodes de coupe étaient très élevées. Ceux qui
souhaitaient tourber en Brière devaient se procurer une carte de tourbage
délivrée par la mairie de résidence. Il était totalement interdit de tourber
sur les chemins et charreaux.
Les gens tourbaient soit sur les marais privés leur
appartenant, ce qui était tout bénéfice car ils ne payaient absolument rien,
soit sur des marais privés qu’ils louaient, soit en Brière indivise, au-delà du
canal des Fougères. Dans les deux premiers cas, le transport de la tourbe se
faisait facilement, car cela n’était pas loin et souvent accessible en
charrette, contrairement au tourbage en Brière, loin des charreaux
Les mottes de tourbes extraites étant gorgées d’eau. Un
long travail de séchage commençait : les mottes étaient d’abord mises à même le
sol puis retournées au bout de quelques jours. Une quinzaine de jours plus
tard, elles étaient disposées en chandelier ou javelot (petit amoncellement
ajouré afin de laisser passer l’air pour qu’elles continuent à sécher). Il
fallait retourner plusieurs fois au marais durant l’été pour retourner les
mottes mises en chandelier. Une fois sèches, elles étaient disposées en mulons
(avec des jours) et protégées sous des bottes de roseaux en attendant d’être
ramenées. Si on pouvait accéder facilement à la zone de tourbage, on ramenait
les mottes en charrette, sinon il fallait attendre la montée des eaux pour les
ramener en chaland. Dans ce cas, il fallait créer un petit monticule de terre
et roseau d’une cinquantaine de centimètres afin d’y mettre le mulon pour que
les mottes ne prennent pas l’eau. Les familles disposaient différemment les
roseaux sur les mulons afin de reconnaître facilement les leurs. Lorsqu’on
ramenait les mottes en chaland, des cages à mottes étaient utilisées pour les
stocker.
Pendant la guerre, en 1943, les allemands ont inondé le
marais par crainte des parachutages alliés. Le haut niveau des eaux ne
permettait plus de tourber. Seuls quelques marais privés au niveau de la Bosse
et du Pin, un peu plus hauts, permettaient encore la pratique de la coupe. Les
habitants des autres villages se sont alors rabattus sur ces zones. Cependant,
il fallait payer la location au propriétaire et la rareté des zones
« tourbables » en faisait monter les prix.
Les gardes de Brière, une fois la coupe terminée, venaient
« cuber », c'est-à-dire mesurer le volume de mottes coupées afin de définir la
taxe à payer à la mairie de résidence des coupeurs. En 1941, la redevance payée
aux gardes de Brière était de 10 centimes par m3.
À partir des années 1950, avec l’arrivée du charbon et du
fioul, la coupe de la motte décline fortement jusqu’à quasiment disparaître
vers 1955.
La coupe de la motte se
faisait en famille. Tout le monde y participait.
Chaque famille choisissait l’endroit où elle allait
tourber. Les hommes allaient faire du repérage afin de trouver un bon endroit
avec une tourbe de bonne qualité. Une fois la zone trouvée, un fauchage du
roseau s’imposait suivi du râtelage. Les hommes ensuite commençaient à «
écobuer » ou enlever le « paris » c'est-à-dire le tapis végétal composé
d’herbes, de roseaux, de racines, de carex et de débris végétaux. Il fallait
creuser environ 40 cm avant d’atteindre la tourbe. Était venu le moment de «
parer » le terrain, c'est-à-dire le rendre complètement plat. Ensuite,
plusieurs outils étaient nécessaires :
Cage
à mottes et marres Salais Houlettes
La faux et le râteau : pour dégager le roseau sur la zone de coupe.
La pelle : elle servait à enlever le paris et à aplanir le terrain avant de
commencer à couper la motte. Elle ne servait pas directement à la coupe de la
motte.
Le salais : il servait à couper en profondeur dans le sens vertical sur environ 25
cm de large. On l’enfonçait dans la motte le plus creux possible jusqu’à
hauteur du manche, en traçant des sortes de damiers rectangulaires afin de
déterminer la taille des mottes. Il pouvait y avoir jusqu’à 1,20 mètre de
mottes en profondeur, il fallait alors salaiser une deuxième fois.
La marre : c’est une sorte de tranche avec les angles arrondis. La grosse marre
servait surtout à enlever le paris, car elle était trop lourde pour la coupe.
La plus petite permettait de couper la motte dans le sens horizontal et de
l’extraire du même mouvement. Lorsque cet outil était utilisé, la motte avait
des angles arrondis. Elle servait surtout dans les premiers temps de la coupe à
dégager les mottes de surface afin de pouvoir créer un trou.
La houlette : cet outil est plus récent que la marre. Une fois
le trou crée grâce à la marre, cette pelle plate au fil tranchant était
utilisée pour couper la motte à l’horizontal, pour l’extraire et l’envoyer en
dehors de la fosse.
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